Les biens d’occasion et reconditionnés séduisent aussi les professionnels
Xerfi vient de publier une étude sous le titre : « Le marché de l’occasion pour les professionnels – Essor du reconditionné et des achats responsables, loi AGEC, budget d’investissement sous pression : quels acteurs pour quelles stratégies ? » L’occasion pour son auteur, Benoît Samarcq, directeur d’études, de répondre à trois questions.
Les entreprises françaises semblent de plus en plus attirées par l’occasion et le reconditionné. Pourquoi ?
Le marché français de l’occasion entre professionnels couvre une très grande diversité de biens et génère chaque année plusieurs milliards d’euros de chiffre d’affaires. Traditionnellement, les entreprises industrielles, agricoles, de construction ou spécialisées dans le BTP sont nombreuses à se tourner vers la seconde main pour acquérir des machines ou engins spécifiques à leur activités. La vente de mobilier de bureau d’occasion est aussi une activité développée depuis de nombreuses années, en particulier par les négociants de meubles de bureau. Selon notre enquête sur les achats responsables des entreprises, 35% des sociétés interrogées avaient acheté un bien d’occasion. En parallèle, les marchés BtoB du matériel informatique et des smartphones reconditionnés sont en train de prendre de l’ampleur. Ces filières se structurent actuellement pour faire face à l’envolée de la demande des professionnels, notamment sous l’effet de la mise en œuvre de la loi AGEC. Face à la nécessité de contenir les dépenses et alors que les critères RSE gagnent du terrain, les équipements d’occasion et reconditionnés ne manquent en effet pas d’atouts pour séduire les professionnels, à commencer par ses tarifs compétitifs. Le marché de l’occasion BtoB restera bien orienté à l’horizon 2025. Toutefois, la dynamique sera très variable selon les marchés. La demande de meubles de bureau et matériels informatiques sera ainsi dopée par la loi AGEC qui impose depuis 2022 aux administrations publiques de consacrer 20% de leurs dépenses en mobilier de bureau au réemploi. À l’inverse, le ralentissement de l’activité dans la construction et la restauration pénalisera les spécialistes de l’occasion. Mais pour concrétiser tout le potentiel de croissance de ce marché BtoB, les spécialistes du reconditionné doivent à la fois parvenir à développer et sécuriser leur sourcing tout en jonglant avec la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. De leur côté, les distributeurs d’équipements neufs s’interrogent sur l’opportunité de se lancer sur ce créneau, tant l’équation s’avère parfois complexe en matière de perception de la marque, d’approvisionnements, de coûts de remise en état…
Comment les spécialistes du secteur font-ils pour proposer une offre susceptible de répondre à la demande ?
La plupart des spécialistes du reconditionnement collectent actuellement des équipements de seconde main directement auprès des entreprises et nouent des partenariats avec les négociants qui ont l’obligation de reprendre les équipements usagés lors de la livraison de biens neufs. C’est le cas pour l’électroménager, les appareils électroniques et informatiques et le mobilier. Le premier défi est celui du sourcing. Pour sécuriser leur approvisionnement, les opérateurs du reconditionnement doivent de fait se doter d’un réseau fiable pour limiter les coûts de remise en état et ainsi assurer leur viabilité économique. L’industrialisation et l’automatisation des processus de reconditionnement est également une nécessité. La structuration des ateliers à la chaîne est ainsi une réponse. Le français Largo a même été plus loin en s’équipant de robots capables d’effectuer le diagnostic initial des smartphones. Alors que la filière du reconditionnement est confrontée à un manque de techniciens et de mécaniciens, recruter et former une main-d’œuvre qualifiée est indispensable. Dans le même temps, les acteurs doivent se faire connaître et faire valoir les avantages des équipements reconditionnés par rapport aux biens d’occasion. Pour convaincre les entreprises de se tourner vers le reconditionné pour s’équiper en meubles, smartphones ou ordinateurs, les spécialistes développent par ailleurs des services comparables à ceux proposés pour des produits neufs : extensions de garanties, développement d’un service après-vente de qualité ou encore services d’aménagement des espaces de travail dans le cas des meubles de bureau.
Qui sont les principaux distributeurs d’équipements professionnels de seconde main ?
Les spécialistes du négoce de meubles de bureau professionnels commercialisent depuis longtemps du mobilier d’occasion en l’état dans leurs showrooms et en ligne. Surtout locaux, ces acteurs récupèrent des meubles de seconde main au gré des opportunités de reprise. Dans le sillage de la création de l’éco-organisme Valdelia en 2011, une filière du mobilier de bureau reconditionné a commencé à émerger en France (Adopte un Bureau, Bluedigo, Écosiège, etc.) mais leur activité reste modeste par rapport au marché du neuf. En 2021, seuls 3,6% du mobilier professionnel mis au rebut a été mis à disposition des entreprises du réemploi. Après avoir dépassé le milliard d’euros en 2022 sur le marché BtoC, les smartphones reconditionnés tentent désormais l’aventure du BtoB. Tous les opérateurs de téléphonie mobile intègrent notamment ce type d’équipement dans leur offre. Les leaders français du reconditionnement de smartphones ont récemment lancé des offres dédiées, à l’instar de Largo, Cadaoz, Certideal ou encore PRS. Activité plus ancienne, le reconditionnement de matériels informatiques reste l’apanage des acteurs de l’économie sociale et solidaire, comme le groupe ATF et AfB France. Pour s’équiper en smartphones et matériels informatiques, les professionnels peuvent aussi se tourner vers les grandes marketplaces spécialisées. Fin 2022, Back Market a par exemple lancé Back Market Pro tandis que Greentraders est la principale place de marché de biens reconditionnés pour les entreprises. Mais les sites de petites annonces s’imposent de loin comme le modèle d’affaires numéro un dans le commerce BtoB de matériels d’occasion (Mascus France, Trade Machines ou encore Lecoindu pro, incontournable avec près de 900 000 annonces). Applanat reconditionne lui directement le matériel professionnel collecté dans ses ateliers. Si de nouveaux acteurs spécialisés dans le reconditionné ont émergé sur plusieurs marchés (dans la restauration avec Vesto, l’après-vente auto avec Back2Car et la construction avec Bâticyle), ils doivent composer avec de nombreux sites de petites annonces spécialisés d’envergure (Alpagga et Affaires de Pro dans le CHR, Europe TP et MachineryZone dans le BTP, Tracteur Pool, Agriaffaires et Aurope-Agri dans l’agriculture). Sur la plupart des marchés, l’offre d’équipements d’occasion des négociants traditionnels reste marginale à l’exception des spécialistes du négoce d’engins agricoles et destinés à la construction et au BTP.
Source: InfoDSI