Comment le carbure de silicium permet la réalisation de disjoncteurs à semi-conducteurs de nouvelle génération
Les avantages en termes de performances que les dispositifs en carbure de silicium (SiC) apportent aux véhicules électriques (EV) et aux applications solaires photovoltaïques (PV) sont bien connus. Cependant, ces avantages du matériau SiC peuvent potentiellement être exploités dans d’autres applications, parmi celles-ci est la protection des circuits. Cet article passe en revue les développements dans ce domaine, y compris les mérites de la protection mécanique par rapport aux disjoncteurs à l’état solide (solid-state circuit breakers, SSCB) mis en œuvre avec différents dispositifs semi-conducteurs. Enfin, il explique pourquoi le SiC deviendra une option de plus en plus attrayante pour les SSCB. Une tribune de Sravan Vanaparthy : Senior Director, Industrial Solutions Business Unit, Power Solutions Group, onsemi.
Protection des infrastructures et des équipements électriques
Les systèmes de transmission et de distribution électriques ainsi que les équipements sensibles nécessitent une protection contre les surcharges prolongées et les courts-circuits transitoires. Les systèmes et véhicules électriques utilisant des tensions de plus en plus élevées, les valeurs maximales atteignables par les courants de court-circuit grimpent dans les mêmes proportions inédites. La protection contre ces forts courants de défaut nécessite des disjoncteurs AC et DC ultra-rapides. Bien que les disjoncteurs mécaniques soient traditionnellement le choix le plus commun pour cette application, les exigences de fonctionnement de plus en plus élevées ont rendu les disjoncteurs à semi-conducteurs plus attrayants. Communément appelés disjoncteurs solid-state, ils présentent plusieurs avantages par rapport aux approches mécaniques :
Robustesse et fiabilité : Les disjoncteurs mécaniques contiennent des pièces mobiles qui les rendent fragiles. En effet, ils peuvent facilement se casser ou se déclencher accidentellement en raison des mouvements. Ils sont également sujets à l’usure à chaque fois qu’ils sont réinitialisés au cours de leur vie. En revanche, comme les SSCB ne contiennent aucune partie mobile, ils sont plus robustes et beaucoup moins susceptibles de subir des dommages accidentels, ce qui leur permet d’être utilisés de manière répétée sur des milliers de cycles.
Flexibilité de la température : la température de fonctionnement des disjoncteurs mécaniques dépend du matériau utilisé dans leur construction et limite la température de fonctionnement. Cette température de fonctionnement des SSCB est plus élevée que celle des disjoncteurs mécaniques et est par ailleurs réglable.
Configuration à distance : une fois déclenché, un disjoncteur mécanique doit être réinitialisé manuellement, ce qui peut être à la fois chronophage et coûteux. Cela devient problématique dans le cas d’installations multiples, et peut également avoir des conséquences en termes de sécurité. Les SSCB peuvent être réinitialisés à distance à l’aide d’une connexion filaire ou sans fil.
Commutation plus rapide et absence d’arcs électriques : lors de la commutation d’un disjoncteur mécanique, des arcs électriques et des fluctuations de tension suffisamment importantes pour endommager l’équipement de charge peuvent se produire. Pour se protéger contre les effets de ces pointes de tension inductives et de ces courants d’appel capacitifs, on peut avoir recours à des méthodes de démarrage progressif dans les SSCB, avec une commutation beaucoup plus rapide, de l’ordre de quelques microsecondes, en cas de défaillance.
Courant nominal modulable : les disjoncteurs mécaniques ont un courant nominal fixe, tandis que les courants nominaux sont programmables dans les SSCB.
Taille et coût réduits : par rapport aux disjoncteurs mécaniques, les SSCB permettent de réduire le poids, étant nettement plus légers. Ils occupent également moins d’espace.
Limites des SSCB existants
Bien que les SSCB présentent des avantages par rapport aux disjoncteurs mécaniques, ils ont cependant quelques inconvénients, notamment des valeurs nominales de tension/courant limitées et des pertes de conduction plus élevées. Ils sont par ailleurs plus onéreux. Les SSCB sont généralement basés sur des TRIAC (redresseurs contrôlés par silicium) pour les applications à courant alternatif ou sur des MOSFET planaires standard pour les systèmes à courant continu. Les TRIAC ou MOSFET implémentent la fonction de commutation, tandis que des pilotes optiquement isolés agissent comme des éléments de contrôle. Cependant, pour les courants de sortie élevés, les SSCB à base de MOSFET nécessitent des dissipateurs thermiques, ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas atteindre les mêmes niveaux de densité de puissance que les disjoncteurs mécaniques.
De même, des dissipateurs thermiques sont également nécessaires pour les SSCB utilisant des transistors bipolaires à grille isolée (insulated gate bipolar transistors, IGBT), pour lesquels la tension de saturation entraîne une perte de puissance excessive pour des courants dépassant quelques dizaines d’ampères. Par exemple, à 500 ampères, une chute de tension de 2 V aux bornes d’un IGBT dissiperait 1 000 W. Pour une telle puissance, un MOSFET nécessiterait une on-resistance d’environ 4 mΩ. Ce niveau de résistance n’est actuellement pas réalisable avec des dispositifs uniques dont la tension nominale tend désormais vers les 800 V (et au-delà) dans les véhicules électriques. Bien que ce chiffre puisse théoriquement être atteint en connectant des dispositifs en parallèle, une telle approche augmenterait considérablement la taille et le coût de la solution, d’autant plus qu’un flux de courant bidirectionnel devrait également être pris en compte.
Utilisation de modules de puissance SiC pour réaliser les SSCB de nouvelle génération
Une puce SiC peut être jusqu’à dix fois plus petite que son équivalent en silicium pour la même tension nominale et la même résistance à l’état passant. De plus, les composants SiC peuvent commuter au moins cent fois plus vite et fonctionner à des températures maximales plus de deux fois supérieures à celles du silicium. Dans le même temps, sa conductivité thermique supérieure le rend plus robuste à des niveaux de puissance élevés. onsemi a exploité ces propriétés dans sa gamme de modules de puissance EliteSiC avec des valeurs de résistance à l’état passant aussi faibles que 1,7 mΩ pour les dispositifs 1 200 V. Ces modules intègrent entre deux et six MOSFET SiC dans un seul boîtier.
La technologie des puces frittées dite « sintered die technology » (qui réunit deux puces individuelles dans un même boîtier) offre des performances fiables, même à des niveaux de puissance élevés. Le comportement de commutation rapide et la conductivité thermique élevée de ce composant lui permettent de « déclencher » rapidement c’est-à-dire de mettre en circuit ouvert l’application finale et donc de la sécuriser en cas de défaut, empêchant ainsi le courant de circuler jusqu’à ce que des conditions de fonctionnement normales soient rétablies. Des modules comme celui-ci prouvent qu’il est maintenant possible d’intégrer plusieurs composants SiC MOSFET dans un même boîtier pour obtenir de faibles valeurs de résistance à l’état passant et de petits facteurs de forme requis pour les applications de disjoncteur. De plus, onsemi propose des MOSFET EliteSiC et des modules de puissance qui supportent des tensions allant de 650 V à 1 700 V, ce qui signifie qu’ils peuvent également être adaptés aux SSCB dans les applications domestiques, commerciales et industrielles monophasées et triphasées. La chaîne complète d’approvisionnement SiC d’onsemi offre aux fabricants de SSCB des produits présentant un taux de défauts proche de zéro, car ils sont soumis à des tests de fiabilité exhaustifs.
Figure 1 : chaîne d’approvisionnement complète de bout en bout en carbure de silicium (SiC) d’onsemi
La figure ci-dessous montre l’implémentation du SSCB dans un module avec plusieurs puces SiC 1 200 V et commutateurs en parallèle dans une configuration dos à dos pour obtenir le plus faible rdson et des dissipations thermiques optimisées. Des modules entièrement intégrés, comme ceux présentés ci-dessous avec une disposition et un positionnement optimisé des broches, se caractérisent par une réduction des parasites et une amélioration des performances de commutation et de temps de réponse aux pannes. onsemi propose une large portefeuille de modules SIC de 650 V, 1 200 V et 1 700 V, comprenant des modules avec plaque de base ou sans plaque de base en fonction des exigences de l’application finale et des exigences de rendement.
Figure 2 : Module SiC B2B pour disjoncteur à semi-conducteurs – 480VAC -200A
Figure 3 : modules onsemi destinés aux applications SSCB
Le SiC et les SSCB vont évoluer en parallèle
Les disjoncteurs mécaniques ont de faibles pertes de puissance et une densité de puissance plus élevée. Ils sont actuellement moins chers que les SSCB. Néanmoins, ils sont sujets à l’usure en raison d’une utilisation répétée et nécessitent une maintenance manuelle coûteuse associée à une réinitialisation ou à un remplacement. La demande de disjoncteurs et de dispositifs SiC continuera de croître parallèlement à l’adoption croissante des véhicules électriques, ce qui rendra cette technologie à large bande de plus en plus compétitive en termes de coûts et augmentera son attrait pour les solutions SSCB. À mesure que la technologie des processus SiC progresse et que la résistance des MOSFET SiC autonomes diminue encore, atteignant finalement des niveaux comparables à ceux des disjoncteurs mécaniques, les pertes de puissance deviendront encore moins problématiques. Offrant les avantages d’une commutation rapide, de l’absence d’arc électrique et d’une réduction significative des coûts grâce à une maintenance quasi-nulle, les SSCB construits à partir de dispositifs basés sur SiC deviendront inévitablement la norme.
Source: InfoDSI