Casamance : Existence de fosses collectives: Extrait du Rapport d’Amnesty International publié en janvier 1998 intitulé « La Terreur en Casamance », (Pages 54 à 55)
Depuis des années, Amnesty International publie des informations persistantes qui font état de l’existence de fosses collectives à Niaguis et au pont de Niambalang, dans lesquelles un nombre inconnu de personnes victimes d’exécutions extrajudiciaires auraient été secrètement enterrées.
La RADDHO, qui s’est notamment fait l’écho de ces informations, a demandé publiquement l’ouverture d’une enquête indépendante mais le Gouvernement sénégalais n’a pour le moment rien fait pour élucider ces graves allégations.
La mission d’enquête d’Amnesty International a pu recueillir, en septembre 1997, de nouvelles informations qui corroborent l’existence de fosses collectives, notamment celle qui est située à l’ex-EATA, près de l’aéroport de Ziguinchor.
Selon des sources bien informées, depuis 1993, le terrain de football proche de l’ex-EATA a été transformé en cimetière clandestin, où des civils exécutés extrajudiciairement sont enterrés la nuit.
Cette pratique semble avoir repris depuis juillet 1997. Des témoins ont vu que la terre était régulièrement fouillée et plusieurs personnes détenues à l’ex-EATA ont affirmé avoir entendu des coups de feu et n’avoir plus jamais revu certains de leurs codétenus. Il semble ainsi qu’après la mort des 25 soldats sénégalais, le 19 août 1997, les forces de sécurité sénégalaises ont procédé à l’arrestation de cinq personnes de l’ethnie Balante et une personne de l’ethnie Mancagne, toutes originaires de Guinée-Bissau.
Ces personnes ont été arrêtées dans un quartier appelé Kenya (au-delà de l’aéroport de Ziguinchor, près de la caserne des sapeurs-pompiers). Emmenées à l’ex-EATA, elles auraient été tuées vers trois heures du matin et enterrées sur le lieu même de leur exécution. La délégation d’Amnesty International a recueilli le témoignage capital de plusieurs sources provenant de militaires sénégalais révoltés par les scènes dont ils avaient été témoins et qui, sous le sceau de la confidentialité, ont révélé les pratiques de l’armée sénégalaise en Casamance.
L’un d’eux nous a confié : « L’armée exécute. Les personnes sans carte d’identité sont régulièrement arrêtées puis exécutées, plusieurs personnes ont été enterrées à Nyassia, Niambalang et Lindiane. Dès qu’on prend quelqu’un, on l’amène au cantonnement, les gens suspects, on leur pose des questions, ces questions sont posées par le chef (le lieutenant capitaine), on leur fait des manoeuvres, on les torture, on leur demande de creuser un trou et on les exécute. La torture au plastique brûlé sur le corps est courante ».
Un autre témoignage donne un exemple précis d’exécution extrajudiciaire : « Après les événements de Mandina Mancagne, un civil âgé de 30 ans a été arrêté sans carte d’identité au moment où il traversait l’aéroport de Ziguinchor, il a été interrogé puis présenté au chef militaire de l’aéroport interrogé puis présenté au chef militaire de l’aéroport mais avant que ce dernier n’ait eu le temps de se prononcer, un soldat l’a abattu à la poitrine ».
Ces allégations très graves et répétées n’ont jamais fait l’objet d’enquêtes de la part des autorités sénégalaises et les forces de sécurité continuent depuis des années à violer les droits de l’homme en toute impunité. Or l’armée et la gendarmerie sénégalaises se revendiquent comme des corps bien structurés et disciplinés. Compte tenu de ce fait, les violations massives des droits de l’homme dont elles se sont rendues responsables, ne peuvent être mises sur le compte de “bavures”.
Il semble bien que les militaires recourent à ce phénomène des “disparitions” pour masquer une pratique répandue d’exécutions extrajudiciaires. Si, comme il l’affirme avec fierté, le Sénégal possède réellement des forces de sécurité républicaines qui obéissent aux injonctions des organes politiques, les actes très graves qui sont imputés, depuis des années, aux militaires et aux gendarmes sénégalais engagent donc bien la responsabilité des plus hautes autorités de l’Etat.
Kondiarama